Prologue
Amen,
je vous
le dis, cette génération ne passera pas que tout cela
n’arrive. Mat.
24 :34
Peu de versets comme celui-ci ont suscité
d’aussi nombreuses discussions.
Des commentateurs ont attribué la réalisation de
ces paroles de Jésus, à la prise de Jérusalem, en l’an 70 après J.C., par
les troupes romaines sous la direction de Titus. Pour ces biblistes peu de
temps s’est passé après la mort, présumée, de Jésus vers l’an 30 ;
les 40 années qui se sont écoulées après sa mort constitueraient le temps
de la génération mentionnée dans
le verset précité.
Cependant, pendant des siècles des exégètes ont discerné une seconde
réalisation pour cette prophétie, et pour appuyer leurs prétention ils ont
avancé les versets 14 et 21 du même évangile : «
Cette bonne nouvelle du Règne sera
proclamée par toute la terre habitée ; ce sera un témoignage pour
toutes les nations. Alors viendra la fin. » « Car alors il y
aura une grande détresse, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le
commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais
plus. »
Le témoignage
pour toutes les nations a été
entrepris lors des conquêtes et expéditions engagées par les divers états
catholiques, puis par les nombreuses missions dépêchées par l’Eglise
protestante, de plus depuis la fin du 18e s. divers mouvements
fondamentalistes annoncent la fin du monde en écho à la dernière phrase du
verset 14 : Alors viendra
la fin.
Dès lors la signification du mot
génération revêt une importance
capitale. En effet, s’il est relativement facile au premier siècle de
déterminer la durée de cette
génération c’est parce que deux
facteurs y contribuent :
-
la mort de Jésus qui constitue le point de départ de la génération
-
la fin de ladite
génération vient avec la prise
de Jérusalem.
Même si des zones d’ombre
peuvent exister, quand à la date exacte de la mort de Jésus, il semble
bien que nous nous trouvons devant une explication et une application
simple de textes bibliques bien plus complexes qu’il n’y paraît.
Il n’est malheureusement
pas aussi aisé de vouloir avancer une seconde application, et ce pour 2
raisons :
-
nous ne savons pas précisément à partir de quel événement compter le début
de la
génération
-
ce qui bien entendu nous empêche de savoir quand décompter la fin de la
génération
Pourtant ce sont ces deux
éléments qui constituent la base d’explications très simples de prime
abord, mais qui sont en fait le talon d’Achille de la doctrine présentée
et défendue par les Témoins de Jéhovah. C’est ce que nous allons
considérer à présent.
Génération, vous avez dit génération.
Depuis sa création le mouvement, auquel
Charles T.Russell a donné naissance, n’a de cesse de proclamer l’imminence
de la fin des temps et de démontrer que nous sommes la
génération qui verra la
destruction du « monde méchant ». Dans un premier temps, les
Etudiants de la Bible (ancienne dénomination des Témoins de Jéhovah), ont
prétendu que Christ était, au ciel, présent et invisible occupant depuis
1874 sa position royale, et que la fin annoncée se produirait en 1914. La
génération avait donc débuté en
1874 et s’étendait donc sur quarante ans pour se terminer en
1914.
Dans le 4e volume des
Etudes des Ecritures
(
1897) aux pages 602/603 la
génération est identifiée
aux
CONTEMPORAINS QUI VERRONT LA FIN DES TEMPS.
C’est tout à fait logique puisqu’à cette
époque Russell et ses adhérents croyaient que le monde serait détruit en
1914, et qu’eux-mêmes seraient enlevés dans les airs pour rencontrer le
Seigneur.
Nous le savons, les
événements attendus ne se sont pas réalisés, et la signification de
l’année 1914 a été réinterprétée, depuis lors, pour devenir la fin du
temps des gentils.
Ce changement nécessita la redéfinition de
l’explication de la génération,
et c’est ce qui se passa en
1927 ; la Tour de Garde du 15 février 1927 (en anglais) p. 62
identifia la
génération
AUX MEMBRES OINTS
.
Le temps passe et Armageddon n’a pas encore mis un terme au « monde
de Satan », aussi afin de ne pas donner l’impression de s’être trompé
ni de perdre la main, l’organisation se penche sur sa copie et
réinterprète à nouveau le sens à donner au mot
génération, la Tour de Garde du
1er juillet 1951 (en
anglais) à la page 404 parle de :
CEUX QUI SONT NÉS AVANT OU DÈS 1914.
Voici un titre très explicite de
Réveillez-vous ! du 8 avril 1988 page 14 :
Quelle
est
la
durée
d’une
génération?
L’article
cite un ouvrage de J. Bengel « Etude des mots du Nouveau
Testament » (angl.) qui déclare : “Les Hébreux (...)
comptaient 75 ans pour une génération. En fait, l’expression
ne
passera
pas laisse entendre que la plupart des membres de cette génération
[aux jours de Jésus], mais pas tous, devaient disparaître avant que tout
ne soit accompli.”
Le
rédacteur confirme en disant que la génération n’avait pas complètement
été anéantie lors de la prise de Jérusalem.
Puis il
continue en faisant le parallèle avec les personnes nées avant ou en 1914
qui sont déjà mortes. Cependant, toujours selon le rédacteur du
périodique, des millions nés à cette époque sont encore vivants. Leur
disparation progressive n’empêchera pas la réalisation de Mat. 24 :34
cette génération ne passera pas que
tout cela n’arrive.
En
1991, la Tour de Garde du 15 avril p.7 confirme que le sens du mot
génération n’a pas changé, dans
un article intitulé :
Connaîtrons-nous un
jour
une
paix
durable?
Le thème de la
génération est
abordé :
L’ultime
signal
Le rédacteur revient sur les paroles de Jésus et déclare que les derniers
jours ont commencé en 1914 :
Amen,
je vous le
dis, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive.
Puis il se montre confiant, assurant que la paix
viendra avant la disparition de la
génération.
Après avoir expliqué que la
génération est formée de
personnes nées avant ou en 1914, l’organisation WT modifie petit à petit
cette idée et admet que même si des personnes étaient trop jeunes pour
comprendre ce qui se passait autour d’elles, ce qui compte c’est qu’elles
soient nées pendant la 1ere guerre mondiale. Ce qui va amener un
changement, et non des moindres, est le décès le 22 décembre 1992 de
Frédérick William Franz. Ce dernier était le 4e président,
jusqu’à cette date, mais surtout il était considéré, officieusement du
moins, comme l’oracle de la société Watchtower, celui qui a toujours
présenté des articles sans qu’ils soient validés par un autre membre du
Collège central, comme le veut la règle en vigueur à Brooklyn. C’est,
selon toute vraisemblance, lui l’auteur des explications concernant la
génération, sa disparition
laisse désormais la possibilité de donner un grand coup de balai à une
doctrine qui commence à donner des sueurs froides aux responsables de
Brooklyn. En effet, d’un peu partout (au sein des Témoins de Jéhovah
s’entend) des voix se sont élevées pour dénoncer une prétention qui prend
l’eau de toutes parts. Et ce qui devait arriver arriva.
La Tour de Garde du
1er novembre 1995
(près de 3 ans après la mort de F.Franz) aux pages 16-21 publia un article
intitulé :
C’est le
moment
de
se
tenir
éveillé
qui prépare un des changements le
plus important des 40 dernières années, au paragraphe 7 le rédacteur se
réfère au livre de Robert Wohl, professeur d’histoire, « La
génération de 1914 » (angl.) :
“Une génération historique n’est pas définie par ses limites
chronologiques (...). Il ne s’agit pas d’une période délimitée par
des dates.” L’auteur semble penser que ce conflit a donné “l’impression
irrésistible d’une rupture avec le passé”, il poursuit: “Ceux qui ont
survécu à la guerre n’ont jamais pu se défaire de l’idée qu’en
août 1914 un monde avait pris fin et un autre avait commencé.” Le
rédacteur de l’article de la Tour de Garde mentionne ensuite toutes les
horreurs de la guerre de 1914 avec son cortège de malheurs, parfois
inconnus dans certaines parties de la terre, il rappelle l’annonce de
Jésus :
De même,
vous aussi, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le règne de
Dieu est proche.
Amen, je vous le dis,
cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive.
Luc 21 :31,32
Le décor est mis en place pour une prochaine
représentation qui va laissé songeur voire en phase de contestation
certains témoins de Jéhovah, pourtant associés de longue date avec
l’organisation. Un sous-titre apparemment anodin :
La “génération”
qui
passe
le paragraphe 10 mentionne le
verset 36, toujours de Matthieu 24 :
Pour ce
qui est du jour et de l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des
cieux, ni le Fils, mais le Père seul.
Le rédacteur fait une habile liaison avec
l’époque de Noé pour mettre en garde les lecteurs des pièges dans lesquels
la génération est empêtrée, il
suggère les versets 37 à 39
du même chapitre de Mathieu :
En effet,
comme ont été les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme.
En effet, aux jours qui précédèrent le déluge, les gens mangeaient et
buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé
entra dans l’arche ; et ils ne se doutèrent de rien jusqu’à ce que le
déluge vienne et les emporte tous ; il en sera de même à l’avènement
du Fils de l’homme.
Ensuite l’auteur de l’article se réfère à une
autre parole de Jésus rapportée par Luc 17 :24-26
En effet,
comme l’éclair brille d’une extrémité du ciel à l’autre, ainsi sera le
Fils de l’homme en son jour.
Mais il faut d’abord qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette
génération. Ce qui arriva aux jours de Noé arrivera de même aux jours du
Fils de l’homme.
Il tire ainsi un parallèle entre Matthieu, Luc
et Genèse dans lesquels le mot
génération est utilisé pour
évoquer
les
gens mauvais et méchants .
Après cette démonstration il devient évident que
le mot génération ne peut
s’appliquer
qu’
aux peuples de la terre
qui ne modifient pas leur comportement mauvais
refusant de voir le signe de la présence de
Jésus Christ.
La Tour de Garde du
15 février 2008 à la page 24
modifie à nouveau l’interprétation de la
génération en reprenant l’idée
émise en 1927 ; selon les explications données ce sont
les membres oints
qui représentent la
génération.
La Tour de Garde du
15 avril 2010 contient un
article intitulé
Le rôle de l’esprit saint dans
les desseins divins
qui réinterprète à nouveau la
génération mais selon une
nouvelle conception.
Au paragraphe 13 le rédacteur se demande comment comprendre l’expression
la génération mentionnée par
Jésus en Matthieu 24 :32-34, l’auteur estime que le Christ n’avait
pas à l’esprit les gens mauvais, mais pensait plutôt aux disciples qui
seraient oints de l’esprit saint. Puis il met les disciples du 1
er siècle et ceux de notre époque sur un même plan, disant que
non seulement ils voient le signe mais discernent également la proximité
de l’intervention divine. Le paragraphe 14 présente une réflexion sur la
difficulté de connaître la durée exacte d’une génération et
particulièrement de celle citée par Jésus et évoque l’existence
générationnelle de personnes d’âges différents, et utilise le mot
« évident » pour appuyer son argumentation justifiant le
croisement de deux générations, d’une part
celle
des oints présents en 1914 et d’autre part celle des oints qui verra le
début de la grande tribulation.
Comme nous le voyons il ne s’agit plus d’un groupe unique de personnes
ayant vécues au moment d’un évènement mais de personnes d’âges différents,
de générations différentes ; ces génération se croisent et vivent
ensemble comme cela se passe au sein d’une même famille, ainsi les
grands-parents, les parents, les enfants, voire les petits enfants vivent
tous ensembles pendant un certain temps avant que la 1ere génération (les
grands-parents dans une situation ordinaire) disparaisse. On peut donc
parler de rencontre générationnelle (relation entre les générations
[dictionnaire Larousse 2009], on remarque le pluriel utilisé pour
génération Ndr) ; la Tour de Garde en anglais utilise l’expression
« Overlapping Generations » (overlap que l’on peut traduire par
chevauchement).
Résumé
La
génération a
représenté :
En 1897
CONTEMPORAINS QUI VERRONT LA FIN DES TEMPS
En 1927
LES MEMBRES OINTS
En 1951
CEUX QUI SONT NÉS AVANT OU DÈS 1914
En 1995
LES
gens mauvais et méchants
LES peuples de la
terre
qui ne modifient pas leur comportement mauvais
En
2008
les membres oints
En
2010
Les oints présents en 1914 et d’autre part les oints qui verront le début
de la grande tribulation.
s’il est vrai qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de
calculer la durée d’une génération, nous pouvons nous demander pour quelle
raison le Collège central des Témoins de Jéhovah continue, envers et
contre tout, de tenter de trouver une réponse à une question insoluble.
Bien sûr il ne nous a pas échappé que la plupart des chrétiens ont
manifesté l’envie de connaître le temps qui marquerait le retour de
Christ, signifiant la fin de leurs souffrances. Cependant, le désir de ce
corps dirigeant de prouver à ses fidèles la justesse de ses prétentions
quant à la proximité de l’intervention divine et donc de justifier les
diverses annonces qu’il s’est chargé de proclamer par le biais des
périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous ! a rendu ces
responsables sinon aveugles du moins mal voyants puisqu’en dépit de
nombreux changements d’explication et du retour à l’interprétation donnée
81 ans auparavant, ils n’en continuent pas moins de se présenter comme
« l’esclave fidèle et avisé», canal unique de communication
dispensant par le biais de la
Tour de Garde, une lumière de plus en brillante.
Décembre 2011.
Le voyageur.
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